Hey
Guillaume !
Te
souviens-tu de ce jour ?
On était en
cours d’anglais. En terminale. La prof s’appelait Mme Bonaldi, c’était la
cousine de Jérôme Bonaldi, le gars de la télé.
J’étais
assise à ta droite et de l’autre côté, à gauche, il y’avait ton meilleur
copain. J’ai oublié son nom, mais il avait un nez particulier. Bref. La prof
nous donne un exercice : décrire quelqu’un de la classe.
Ça tombe sur
toi. Et là, tu commences ta description : Un homme. Grand. On a déjà
éliminé les ¾ de la classe. Un gros nez… Malaise, ton voisin se sent visé. Tu
poursuis : Grand nez, moche, qui fait peur… Ton voisin est rouge pivoine,
il se décompose. Et moi j’hallucine. Je me dis « c’est pas possible. Il ne
parlerait jamais comme ça de son copain ». Je ne capte rien. Personne ne
capte. Et comme personne ne trouve qui tu décris la prof te demande de donner
la réponse.
La classe
est tendue. Ton voisin est affalé sur sa table, la tête cachée sous ses bras.
Et toi, nature, tu réponds « bin, éléphant man ! » On se regarde
tous stupéfaits. Le doigt tendu, tu précises « Là, sur l’affiche, derrière
la porte ! » Soulagement. Tout le monde te félicite d’avoir eu cette
idée, à laquelle aucun de nous n’aurait pensé. A côté de toi, ton copain se
redresse, il fait semblant de rien mais il est cramoisi. Il te félicite à son
tour.
As-tu
seulement remarqué le malaise que tu avais involontairement créé ce
jour-là ?
Plus que le
foot solitaire, rue Louis Moreau, plus que les debriefs des matches de l’OM et
les parties de rigolade, c’est cet épisode qui te définit le mieux. Nature.
C’était en
1994. Cette année-là, le 1er mai, la Williams d’Ayrton Senna
quittait violemment la piste. Quelques heures plus tard on apprenait la mort du
pilote. C’était le drame people de l’année. On en avait parlé, tu t’en
souviens ?
Et puis tu
as eu ton bac et tu as intégré une école d’ingénieurs. Moi, je suis restée au
lycée, pour repasser le mien. C’était en 1995 !
Y’a 20
ans ! Putain… 20 ans…
Cette
année-là, il y’avait un intello dans ma classe, J.-B., un philosophe. Un jour, il
m’a dit :
« il y’a trois choses qui
comptent dans la vie : le premier mariage, le premier bébé et la première
mort, d’un ami de ton âge. Ce sont trois étapes décisives. »
Bin tu sais
quoi ? Il avait raison.
Quelques
semaines plus tard, ma copine Céline m’annonçait qu’elle était enceinte (son
bébé est né après le bac). 1e baffe. En février, j’assistais à son
mariage. 2e baffe.
Et en mai, le
1er, c’est toi qui mourrais. Le premier. Dans un accident de
voiture.
Un accident
de voiture… quelle ironie, t’avais même pas le permis…
Mais sois
rassuré, on va bien. Tous. Bien sûr au départ ça n’a pas été facile, mais tu
vois en 20 ans le temps a fait son travail. Ton départ nous a fait grandir. On
a pris conscience, un peu brutalement certes, que l’homme est mortel et c’est
pas la meilleure des nouvelles, mais on s’y fait. Pas le choix. J’espère que
d’où tu es, tu jettes un œil sur nous de temps en temps et qu’on te fait encore
marrer.
Andréa, 20
ans de plus
En Post
Scriptum, les derniers mots d’Ayrton Senna, juste parce que leur côté « visionnaire »
me bouleverse :
« Before the beginning, a special hello
to my... our dear friend Alain. We all miss you Alain ! »
Pfiouuuuuu.... La citation qui tue à la fin, j'ai failli pleurer !
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